29 octobre 2007
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Je m’interroge… Pourquoi nos voisins algériens veulent-ils à toutes forces rejoindre l’ancienne puissance colonisatrice qui ne leur a pourtant pas laissé que de bons souvenirs… et qu’ils détestent souvent encore avec ardeur ?
La réponse est dans la littérature, dans une merveille de livre que l’on a sous la main, mais qu’on ne pense pas à ouvrir, à savoir ici :
Gris au-dehors, gris au-dedans, il est chef bureaucrate d’un service clef dans une ville chaotique qui se surpopule à grande vitesse.
Elle déclive, cette ville, depuis des collines en garrigues jusqu’à la mer, possède un cimetière et deux ports, avec Kasbah et oueds, c’est qu’on est à Alger.
Mais, surprise, pas au soleil. Il pleut à verse tout au long de cinq journées fatidiques.
Un drame se noue : le type est acculé par un escargot qui le traque…Qui vaincra ?
Le bureaucrate est chargé de l’extermination des rats de la ville, cinq millions, auxquels il voue un certain amour tendre bien qu’assassin.
Dans son immense solitude mouillée, le bureaucrate pense. Ses pensées, il les note sur de petits papiers. Ses papiers, il les garde dans des poches secrètes qu’il coud dans ses vêtements, vingt exactement, plus une, qui ensevelit ses émotions. Quant-à tout ce qui pourrait ressembler à une opinion politique, il n’est même pas question de papier, ça vaut mieux.
Vous êtes une douzaine d’années après l’indépendance et Alger tente de faire face à son développement maghrébo- soviétique. Ça ne va pas fort.
Qui l’emportera ? La logique labyrinthique et socialiste des rats ou celle de la raison, spiralo-vertigineuse mais humaine, de l’escargot ?
Voilà le drame, il rend fou.
Le maniaque bureaucrate est encore un peu lucide. Sa folie (celle du pays ?) il la voit ainsi :
« Cadastre verglacé de l’imaginaire. Levures aigrelettes des bruns et des bistres…Chuintement de syllabes muettes qui retombent dans mon crâne comme une neige molle. »
Sur l’’escargot, le féroce poursuivant, je ne vous dirai rien, allez vous-même découvrir cette bête énigmatique et redoutée ! Ni sur les rats, héros de la fête, métaphore d’une masse anonyme qui n’a plus d’émotions ni d’espoirs.
Le roman est écrit en phrases tac tac tac, avec une flopée d’habiletés d’écriture diablement efficaces, du rythme, un humour au vitriol, un découpage dramatique en journées vides et denses. Cent cinquante pages de régal poilant et féroce.
Rachid Boudjedra est né en 1941. Blessé pendant la guerre de libération, il voyage pour représenter le FLN. Après l’indépendance en 1962, il se consacre à l’enseignement de la philo. Mais le Président Boumediene, Lénine saharien, ne lui plait guère. Exilé, re-renté, il enseigne à Sciences Po- Alger et est membre, ce qui est fort courageux, de la Ligue des Droits de l’Homme.
Rachid Boudjedra aime le Français, il écrit en Français. Rachid Boudjedra aime aussi l’Arabe et, après 1982, il écrit en Arabe, dont on oublie un peu trop, en ces temps troublés, que, dans sa version littéraire, l’Arabe est une des langues les plus riches qui soit. Ainsi donc, Rachid Boudjedra nous fait le cadeau d’une littérature forte en deux langues superbes.
Forte et éclairante… sur les raisons d’un échec patent qui pousse aujourd’hui tant de jeunes à l’exile désespéré.
Cruel miroir, que cet escargot !
La réponse est dans la littérature, dans une merveille de livre que l’on a sous la main, mais qu’on ne pense pas à ouvrir, à savoir ici :
« L’escargot entêté », de Rachid Boudjedra.
L’escargot entêté, c’est l’histoire d’un mec fêlé, maniaco- dépressif solitaire.Gris au-dehors, gris au-dedans, il est chef bureaucrate d’un service clef dans une ville chaotique qui se surpopule à grande vitesse.
Elle déclive, cette ville, depuis des collines en garrigues jusqu’à la mer, possède un cimetière et deux ports, avec Kasbah et oueds, c’est qu’on est à Alger.
Mais, surprise, pas au soleil. Il pleut à verse tout au long de cinq journées fatidiques.
Un drame se noue : le type est acculé par un escargot qui le traque…Qui vaincra ?
Le bureaucrate est chargé de l’extermination des rats de la ville, cinq millions, auxquels il voue un certain amour tendre bien qu’assassin.
Dans son immense solitude mouillée, le bureaucrate pense. Ses pensées, il les note sur de petits papiers. Ses papiers, il les garde dans des poches secrètes qu’il coud dans ses vêtements, vingt exactement, plus une, qui ensevelit ses émotions. Quant-à tout ce qui pourrait ressembler à une opinion politique, il n’est même pas question de papier, ça vaut mieux.
Vous êtes une douzaine d’années après l’indépendance et Alger tente de faire face à son développement maghrébo- soviétique. Ça ne va pas fort.
Qui l’emportera ? La logique labyrinthique et socialiste des rats ou celle de la raison, spiralo-vertigineuse mais humaine, de l’escargot ?
Voilà le drame, il rend fou.
Le maniaque bureaucrate est encore un peu lucide. Sa folie (celle du pays ?) il la voit ainsi :
« Cadastre verglacé de l’imaginaire. Levures aigrelettes des bruns et des bistres…Chuintement de syllabes muettes qui retombent dans mon crâne comme une neige molle. »
Sur l’’escargot, le féroce poursuivant, je ne vous dirai rien, allez vous-même découvrir cette bête énigmatique et redoutée ! Ni sur les rats, héros de la fête, métaphore d’une masse anonyme qui n’a plus d’émotions ni d’espoirs.
Le roman est écrit en phrases tac tac tac, avec une flopée d’habiletés d’écriture diablement efficaces, du rythme, un humour au vitriol, un découpage dramatique en journées vides et denses. Cent cinquante pages de régal poilant et féroce.
Rachid Boudjedra est né en 1941. Blessé pendant la guerre de libération, il voyage pour représenter le FLN. Après l’indépendance en 1962, il se consacre à l’enseignement de la philo. Mais le Président Boumediene, Lénine saharien, ne lui plait guère. Exilé, re-renté, il enseigne à Sciences Po- Alger et est membre, ce qui est fort courageux, de la Ligue des Droits de l’Homme.
Rachid Boudjedra aime le Français, il écrit en Français. Rachid Boudjedra aime aussi l’Arabe et, après 1982, il écrit en Arabe, dont on oublie un peu trop, en ces temps troublés, que, dans sa version littéraire, l’Arabe est une des langues les plus riches qui soit. Ainsi donc, Rachid Boudjedra nous fait le cadeau d’une littérature forte en deux langues superbes.
Forte et éclairante… sur les raisons d’un échec patent qui pousse aujourd’hui tant de jeunes à l’exile désespéré.
Cruel miroir, que cet escargot !