Un artiste tel que l'association ELU souhaiterait mettre en avant. Sa réussite est un exemple encourageant pour les projets que nous souhaitons mettre en place. Merci à Fabien, alias Grand corps malade de rester présent auprès du grand public sans déroger à sa personalité.
Grand corps malade: "La musique de la voix"
Par Eric MANDEL - le JDD.fr
Il a sorti le slam des bars pour le propulser dans les salles de concert et même sur les bancs de l'école où ses textes sont désormais étudiés. Deux ans après Midi 20, son premier album écoulé à 700 000 exemplaires, Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, signe son retour avec Enfant de la ville. Un album copieux (17 titres), avec des ambiances musicales éclectiques, des thèmes intimistes, ouverts sur le monde et la société. Rencontre avec un amoureux des mots resté authentique malgré le succès...
Franchement non. Je n'écris jamais de texte pour un album, mais d'abord pour la scène, pour les tester en public. J'ai continué d'écrire très régulièrement après Midi 20. Donc au moment de l'enregistrement du nouvel album, j'ai fait le tri parmi une trentaine de textes écrits depuis deux ans.
L'éventail des ambiances musicales est plus riche que sur Midi 20...
Comme les thèmes sont variés, la musique doit suivre. Tu ne parles pas d'amour, de tes potes ou de l'état du monde avec la même musique. Il y a du reggae, des ballades piano-voix, un accordéon, des cordes ou des titres plus punchy et funky. Sans oublier les textes déclamés a capella. C'est l'essence du slam, je viens du slam et j'ai beaucoup slamé a capella. Et puis c'est une autre musique. C'est juste la musique de la voix, le premier instrument.
Dans Midi 20, vous clamiez votre scepticisme sur l'amour avec Les voyages en train. Là, vous livrez une vraie chanson d'amour. Ce fut la plus difficile à écrire?
Je me suis appliqué quand même, sur le fond comme sur la forme. L'exercice est périlleux. Pas forcément le plus complexe, mais pas le plus facile, c'est vrai. Quand tu fais un texte d'amour, tu n'as pas le droit à l'erreur. Comme je le dis dans le texte: "Il faudrait que ce soit le plus beau du monde". En tout cas j'ai fait le max.
Dans Le blues de l'instituteur, vous livrez une chanson pleine d'humanisme sur les grands maux de la planète. C'est aussi un exercice délicat?Pas facile non plus. Tout le monde est d'accord pour dire: "la guerre et la famine, c'est pas bien, la pollution c'est mauvais pour la forêt..." En même temps, je voulais exprimer mon blues devant l'état du monde. Moi j'écris des trucs au feeling et je ne vais pas me censurer parce que c'est cliché. Donc, j'ai trouvé un angle pour enfoncer des portes ouvertes. Je me suis mis dans la peau d'un instit complètement déprimé qui un matin s'adresse à sa classe et dit: "aujourd'hui, ne sortez pas vos affaires du cartable, je dois vous parler de la planète qu'on vous laisse en héritage, ça va me faire du bien..." Alors, je n'apporte aucune explication, aucune solution, mais ça m'a soulagé. Et puis mine de rien, parler du chaos du monde à des enfants, ça prend un sens particulier.
Vous pensiez qu'un jour vos textes seraient présentés à l'épreuve du bac français?
Evidemment non. J'en suis flatté, c'est tellement récent, tous ces petits textes. Quand tu écris devant ta petite fenêtre chez toi, tu as du mal à imaginer que l'institution, l'Education nationale s'en serve. Donc flatté. Et fier de voir que les gens pensent que ça peut aider les jeunes à s'approprier la langue française. Et c'est le cas, je le pense sincèrement. C'est la raison pour laquelle je continue à animer des ateliers slams. Je me bats pour essayer de montrer que l'écriture c'est un truc ludique. Sans personnaliser l'affaire, sans tout ramener à mes textes, le slam à l'école, c'est une bonne idée, ça peut moderniser la poésie, le passage à l'acte pour prendre la plume. Ça n'empêche pas d'étudier les grands classiques, bien sûr. Mais c'est une bonne approche pour faire aimer l'écriture. Moi, à l'école, la poésie, ça me saoulait, comme je le dis dans une chanson du premier album: "quand j'ai rencontré la poésie, elle avait l'air bien prétentieuse, elle prétendait qu'avec les mots on pouvait traverser les cieux"... Je m'y suis mis plus tard.
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