PAULE ET MICK J’avais la tête dans le grenier de mes songes. Pasrasé, le cheveu hirsute, je ne devais guère ressembler à un écrivain. Mais qui peut savoir à quoi ça ressemble un artisan besogneux de l’écriture? Ils avaient mon livre à la main. Ils voulaient m’en parler. Je leur ai proposé un café. Ils ont dit oui. On s’est assis sur le canapé. Ce que je me rappelle de notre conversation doit ressembler à ça:
Paule (qui a attaqué d’emblée): J’ai été choquée par quelques-uns de vos dessins. Moi: Pas les miens. Ceux de Dennis. Mais je les assume. Je suppose qu’il s’agit de ceux qui représentent le sexe. Mick: Je ne suis pas d’accord avec elle. Je les ai trouvés au contraire très beaux, très vrais.Et puis je me suis plongé dans la lecture dans un aller retour incessant entre ce que je lisais et ce que je voyais. Paule: Oui. Bon. Mais prenons ce dessin qui représente les fesses d’une femme où on voit nettement son... sa... Moi: Son vagin, sa vulve. Paule a rougi. Mick: Pourquoi faudrait-il être choqué par la représentation du sexe féminin. Écoute ce que dit Courbet à propos de sa peinture «L’Origine du monde»: “Vous trouvez cela beau... et vous avez raison... Oui, cela est très beau, et tenez, Titien, Véronèse, LEUR Raphaël, MOI-MÊME n'avons jamais rien fait de plus beau.” » Paule: Courbet peut-être. Mais là, on voit cet astronaute qui brandit un drapeau à la main, représentant un phallus. Fier de sa conquête! C’est une image dégradante de la femme. Patrick: Tu n’as pas lu le texte qui a provoqué cette image chez le peintre. Le roman parle d’un homme qui fait l’amour à une jeune femme vierge et explore sa «lune», jolie métaphore de sa partie charnue. Et tout ceci avec humour et amour pour sa partenaire. Moi: L’érotisme n’est qu’une stimulation de l’imaginaire. On fait l’amour dans sa tête bien avant le corps. Et chaque être est une planète qui mérite d’être explorée. Mick: L’illustration t’engage dans une voie, le dessin suscite ton imagination. Mais la lecture du roman t’aiguille versd’autres contrées. Tu valides ou contestes la représentation. Moi: L'érotisme est une promesse. Celle de la coïncidence avec l’autre, une relation impossible sinon charnellement, entre deux planètes éloignées l’une de l’autre que sont deux personnes distinctes. Paule (entêtée): Mais les dessins accentuent cette dimension alors que le roman dans son contenu ne fait que l’effleurer. Mick: Parce qu’il était nécessaire de préserver la liberté du peintre qui ne s’est pas contenté de reproduire banalement ce qui était dit, mais au contraire a confronté son désir de création au silex des mots. Et c’est ce qui provoque lesétincelles. À ces mots, je me suis réveillé. Paule et Mick n’étaient que l’incube et le succube qui hantent l’ âme des auteurs, angoissés par l’accueil polémique des lecteurs. | |
Maurice Lévêque, le 1er octobre
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